Les échecs
Ephémère et jeu. La série: La partie d'échecs
.. " Ils ne savent pas que la singulière main
du joueur qui les tient gouverne leur destin ...
Le joueur, à son tour, se trouve prisonnier
... d'un tout autre échiquier...
(Borges)
La série La partie d'échecs est composée de sept huiles sur toile (soit un tableau de cm 15Ox15O, deux tableaux de cm 15Ox5O cm, deux tableaux de cm 100x5O et deux tableaux de cm SOxSO), l'ensemble formant une figure géométrique rectangulaire.
La grande toile centrale (carrée) représente deux joueurs d'échecs s'affrontant dans la partie dite « immortelle », une partie qui n'aura pas de vainqueurs. La scène s'encadre dans un décor mi-figuratif mi-abstrait, où les surfaces de couleurs (gris, jaune, rouge) viennent suggérer la représentation d'une ville contemporaine de la
civilisation occidentale (Paris ?, New York ?), une ville « tentaculaire », éclairée par une lumière violente üaune et rouge flamme, évocatrice du feu) qui s'impose sur les formes grises des gratte-ciels aux mille fenêtres.
Qui sont les joueurs d'échecs? Peut étre les hommes, les hommes toutpuissants
ou qui se croient tout-puissants: les régisseurs d'un monde et d'une civilisation en déclin.
Que représentent alors les pièces de l'échiquier? D'autres hommes, moins puissants, les hommes que la pensée unique véhiculée par les média façonne à sa guise.
Mais la lecture reste ouverte. D'autant plus que l'interprétation de l'oeuvre doit se faire dans la perspective de la série complète. Les quatre tableaux qui s'interposent entre la grande toile centrale et les toiles les plus extemes sont assemblés par deux formant d'un côté un grand 1et de l'autre un point d'exclamation. Ils représentent des scènes renvoyant d'une manière plus directe à la « réalité» de la vie, tout en gardant un rappor1 avec la lucidité rationnelle
des échecs, comme le soulignent leurs titres (Le gambit de la reine, Le gambit du Roi). Les points du 1 et du 1 renvoient à l'échiquier.
Lorsque le regard du spectateur se pose sur les tableaux qui encadrent la scène centrale, il découvre les mêmes personnages représentés sur les tableaux les plus extemes, de droite et de gauche, dans la même posture, d'attente l'un, de
réflexion avant le mouvement décisif l'autre. Les joueurs deviennent les spectateurs d'eux-mêmes, ils étudient leurs mouvements, ils épient leur jeu. Le dédoublement des personnages introduit dans l'oeuvre un regard extérieur, un regard qui se pose
sur la partie qui pourtant est jouée -semble-t-il- par ces mêmes personnages, à la fois joueurs et spectateurs du jeu. Ce regard est la métaphore du regard qui implique toute oeuvre d'art, sa présence à l'intérieur de l'oeuvre renvoie à l'interaction art-public.